Nos cellules

Ville cherche danseuse

Dans des décors dits ingrats, plus en lisière qu’au centre, une suite d’explorations urbaines en compagnie de la danseuse Hélène Beilvaire. C’est l’esprit des lieux qui inspire la mise en mouvement, c’est l’instant, enchanté ou difficile, qui motive le déclenchement. À l’image de ce titre énigmatique qui s’est incrémenté de façon sporadique, Nos cellules, ces séquences déroulent de l’indicible, des états d’âme qui prennent corps, des aveux sans garantie, l’étrangeté des échos…

 
 
 

 


Work In Progress. La série actuelle se compose de 5 épisodes performés, ayant donné lieu à autant de flipbooks composés de 20 à 40 planches. Le tout s’échelonne de 2020 à 2024.
Ce projet n’a jamais été exposé.

 

 
 

Nos cellules 0. La position du cormoran
Février 2020, Paris.

 
Parfois
ma présence
s’engouffre
dans des limbes

Hélène Beilvaire
(extrait de son blog Le mot juste).

 
Le numéro zéro de Nos cellules. Ainsi numéroté car on ne voyait pas encore bien (ni moi, ni la danseuse-écrivante, ni le cormoran) à quoi tout cela rimait. Sur le moment, la consigne était plutôt « Chat perché » (l’un de mes grands projets finalement perdus en mer…).
On peut y voir une ébauche heureuse, un à-tâtons inspiré, une noirceur porteuse de couleur, quelque chose de l’épisode fondateur de cette suite en construction [ici des points de suspension].


 
 
Nos cellules 1. Un break chez Maryse
Octobre 2020, Paris.
 
Délicate imposture
Être à soi
Rien qu’au tout
Disparaître et redire
c’est pour toi tout ce flou.

Hélène Beilvaire
(extrait de son blog Le mot juste).

 
Maryse, c’est Maryse Bastié. On ne sait pas qui est cette fille de l’air, à part que son nom est énoncé d’une voix chantante à Paris dans la ligne 3a du tram du côté de Bercy, un arrêt au milieu de nulle part. C’est le genre de lisière urbaine qui nous inspire régulièrement, Hélène et moi. L’impro en mouvement rejoint les mots de la danseuse même, offrande rare, et mes photos rejoignent l’envie du livre. Une fois mixé ça donne ça.
Note. À Lyon aussi il existe un arrêt de tram éponyme, vu que la malheureuse Maryse Bastié est morte en vol à Bron… Mais son nom y est associé à Jean XXIII, tout se complique et l’on s’égare.


 
 
Nos cellules 2. Ghostbusters

Avril 2021, Villejuif.
 
Et si c’était toujours le même chemin ? je disais afin de me survivre. Si tout n’était qu’une danse, qu’on ne faisait que tourner en rond avec l’espoir ou l’illusion d’avancer, faute de mémoire, mais qu’on repassait toujours par les mêmes points ? T’en penses quoi, ma sœur ?
Je parlais dans mes dents.

Antoine Wauters,
Pense aux pierres sous tes pas (éd. Verdier, 2018).

 
Voici l’épisode deux. Celui-ci semble se disperser en plusieurs spots d’impro dansée, autant de lieux, d’ambiances et d’humeurs. Des pleines pages de décors vides servent plus ou moins d’interludes respirations entre ces différents moments. Pour l’heure le livret est muet, peut-être accueillera-t-il plus tard quelques mots du photographe même, dont c’est ici la ville d’enfance (là est l’unité de ce parc à thème) et qui se devrait de placer là un petit discours. Ou pas.

 
 
Nos cellules 4. La poursuite des études
Février 2022, Paris.
 
Putain ! marmonna-t-elle. Que j’aurais bien pu me casser une patte !

Antoine Volodine,
Les Filles de Monroe (Seuil, 2021).

 
Voici sans transition l’épisode quatre. (Le trois reste inédit à ce jour.) Pour les curieux de localisation, l’histoire se passe cette fois dans les courants d’air de la fac de Jussieu, somptueux décor fréquenté par moi-même en des temps préhistoriques.


 
 
Nos cellules 5. Two-tone story
Avril 2023, Paris.
 
Ce qui est sensible à Lascaux, ce qui nous touche, est ce qui bouge. Un sentiment de danse de l’esprit nous soulève devant ces œuvres où, sans routine, la beauté émane de mouvements fiévreux : ce qui s’impose à nous devant elles est la libre communication de l’être et du monde qui l’entoure, l’homme s’y délivre en s’accordant avec ce monde dont il découvre la richesse. Ce mouvement de danse enivrée eut toujours la force d’élever l’art au-dessus des tâches subordonnées qu’il acceptait, que la religion ou la magie lui dictaient. Réciproquement, l’art de l’être avec le monde qui l’entoure appelle les transfigurations de l’art, qui sont les transfigurations du génie.

Georges Bataille, Lascaux ou la naissance de l’art (Skira, 1955).

 

Voici l’épisode cinq. Il a failli être déporté en Hors série de par sa construction un peu spéciale, deux actes a priori différents de cadre et de traitement, mais qui se sont enchainés naturellement dans la vie — et pourquoi pas aussi en une cellule double, une fois balisée de chiffres romains ? ! La séquence photographique a été improvisée  et photographiée dans un Paris quelque peu en décomposition, grèves d’éboueurs et colère sociale qui gronde : le pavé soixante-huitard, qui s’offre ici au hasard de l’errance, résonne drôlement. Quelque chose dans le côté archaïque de ces pierres comme une incongruité sur le nom réel de l’endroit nous a fait baptiser Lascaux cette enclave étrange. Ne cherchez pas plus loin le pourquoi de ces lignes de Bataille.