
Toujours cette sacrée atmosphère de drame avec toi, m’écriai-je. Je déteste le drame ! Pourquoi est-ce qu’on ne peut pas mener une vie tranquille ? Écrire un petit bout de texte qui vous vaut une tape d’encouragement sur l’épaule. S’acheter quelque chose de bon à manger et regarder une série à la télé avec sa petite amie en survêtement sur le canapé ?
Saloperie de médiocrité ! s’exclama-t-il, scandalisé, et son regard se porta sur la plaine. Tu sais qu’Horace a dit que nul ne devrait tolérer la médiocrité de la part d’un auteur. Et toi, tu t’es mis à la vénérer ! Tu es devenu comme l’aide-soignante de ta propre vie.
Ouais, tu as l’art de trouver le mot juste, dis-je. Il était dépité, comme un petit enfant qu’on a négligé. C’est un peu trop compliqué, dis-je.
Alors, commence quelque part ! s’exclama-t-il. Comme quand tu racontes une histoire — simplement quelque part !
OK. J’ai traversé un divorce difficile.
Qui n’est pas passé par là ?
J’ai souffert de harcèlement à l’école.
C’est courant ! fit-il, sans ménagement.
Je me sens seul, tout le temps.
Fuck you !
J’ai l’impression que personne ne peut m’aimer.
Sentiment très commun, dit mon ami dépressif.
Bergsveinn Birgisson, Déperdition de la chaleur humaine (Actes Sud, 2023).