« Et d’ailleurs c’est à nous de décider si nous avons mal »

« Et d’ailleurs c’est à nous de décider si nous avons mal »

Photo © Ernesto Timor - Nocturne avec bête
Décembre 2020, Creuse. La ronde de nuit.

Je suis resté longtemps sans bouger, le front contre le volant. La nuit venait de tomber, le moteur était coupé, mais les phares étaient restés allumés, et en levant la tête j’ai vu un lynx vio­lemment éclairé qui traversait la route à quinze mètres de ma voiture. C’était la première fois que j’en voyais un, mais j’ai tout de suite reconnu l’animal. Autour de nous c’était le silence total. Le lynx n’a regardé ni à droite ni à gauche. Il s’est contenté de marcher. Souplement, sans mouvements superflus, indifférent à tout. Je crois que je ne me suis jamais senti aussi vivant que lorsque j’ai réussi à remonter sur la chaussée et à reprendre la route. Tendu et vibrant, j’avais la conscience à fleur de peau.
Le lendemain, à la boutique, j’ai parlé du lynx. C’était sûrement un chien, m’a-t-on dit. Personne ne m’a cru.

Per Petterson, Pas facile de voler des chevaux (éd. Gallimard, 2006).

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C’est un très beau roman qu’on m’a prêté et que j’ai lu là-bas, en Creuse, au coin du feu.
Personnellement je ne crois pas avoir vu de lynx, en tous cas pas cette fois — une autre fois ailleurs oui, et on ne m’a pas cru non plus, je me suis vraiment retrouvé à plus d’un titre dans cette histoire d’homme bourru un peu abimé !