Je n’aurais jamais dû

Je n’aurais jamais dû

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Shadow

Quand j’ai revu Veronica au bureau, nous n’avons pas parlé de cette sortie. D’ailleurs, nous avons à peine parlé. Quelques jours après, elle est passée aux horaires de fin de nuit. On se croisait lors du changement d’équipe ; elle me regardait d’un air pincé qui disait : « Évidemment, nos relations n’ont jamais été autre chose et ça me va. » Je lui rendais son regard avec l’indifférence d’un enfant qui jette le carton après avoir bu le lait. On articulait un bonsoir.

 

Le sentier grimpe sur une falaise en surplomb. Le vent se lève. Une petite cascade déverse des eaux écumantes. Mes pensées s’envolent et planent un instant avant de sombrer et de se répandre comme de l’encre de seiche au fond de l’océan. L’obscurité contrebalance la lumière et la retient. Au fond obscur de l’océan, une méchante fille est couverte de fange noire et de serpents, entourée par des créatures hideuses qui lui jettent des regards pleins de haine. Elle croit que c’est sa beauté qui attire leur regard. Elle ne se doute pas qu’elle est tout aussi hideuse. La sueur dégouline en crachats sur mes flancs, sur mon dos et mon ventre. Ma fièvre monte.

Mary Gaitskill, Veronica (éd. de l’Olivier, 2008).

Afficher/masquer le bavardage...
On ne rigole pas beaucoup dans ce roman de Mary Gaitskill (celui, plus récent, par lequel je l’avais découverte, Faites-moi plaisir, était davantage dans une ironie incorrecte). On se prend même des claques à chaque page, c’est cru et sans fard, ou si, justement c’est magnifique de gloss et de paillettes tout en étant terriblement tragique, façon ballade multi-dépendances. L’écriture est d’une efficacité dingue et oscille, comme dans ce passage, entre des tranches de vie douces-amères et de brèves échappées sur des rêves qui poursuivent la narratrice au fil de sa vie… Le titre de ce post est un lambeau de phrase du livre, une formule tout sauf magique qui pourrait lui tenir de devise.

Cette mini-boucle de photos de rue n’illustre évidemment pas le moindre de ces mots, c’est plutôt comme de siffloter trois notes désinvoltes, pas la peine d’en rajouter…