On a deux vies

Note d’intention

 

Au départ il y a une image mythique de Nicephore Niepce, inventeur méconnu de la photographie. Légendée Le point de vue de ma fenêtre, c’est peut-être la première photographie fixée à avoir survécu au temps. Juste un fragment de son quotidien à Chalon-sur-Saône, un échantillon de sa vue, cadrée sans effet, photo déjà moderne par sa banalité familière et son imperfection tranquille. 

Au fil des projets que j’ai menés, entre portrait et territoire, s’est développée cette pratique de photographier les gens au travers de ce qu’ils voudraient donner à voir. Pas juste ce qu’ils sont en apparence ou ce qu’ils possèdent mais vraiment partager ce qu’ils voient. Une invitation à regarder par dessus leur épaule : ah c’est comme ça que tu vois les choses ? Dans ma série Les limites nous regardent, c’était la frontière de leur univers réel ou symbolique, dans Mon lieu secret c’était bien souvent un perchoir, un nid d’où observer la vie…

Ainsi est née l’idée du projet Le point de vue de ma fenêtre / Vues partagées. Des gens qui présentent leur point de vue. Leur panorama de tous les jours sur la ville, la fenêtre qu’ils désignent en premier quand il ont une visite, leur fierté ou leur dépit. Un bout de ciel qui n’est qu’à eux mais qui est à tout le monde. Ce sera donc le plus souvent des portraits à domicile, mais en laissant hors champ l’intimité du foyer. Les sujets sont a priori à la fenêtre. Mais dérogations et pas de côté sont possibles : il y a de la place pour ceux qui préférent être sur le pas de leur porte, sur leur toit, à la lucarne de leur lieu de travail, voire derrière leur pare-brise… : l’idée est d’être à l’endroit juste où chacun aime embrasser son monde du regard.