Off du off

Off du off

Photo © Ernesto Timor - Graf batgirl
Juillet 2019, Avignon. Une rencontre.

Je refuse de croquer une mésange. Il paraît que faute de grives on mange des merles, c’est-à-dire donc le maigre coucou qui vit dans le nid du merle. Ce serait logique, du moins si j’ai bien compris cette expression-là aussi. Mâchefer prétend que je suis une raisonneuse. Je ne sais pas s’il veut me faire plaisir ou s’il croit me vexer. Je m’en fiche d’ailleurs, mais ce qui m’inquiète, c’est que je ne pense pas que les belettes soient tellement raisonneuses. Et donc, il faudrait que je cesse de l’être et je ne sais pas comment on s’arrête. Je voudrais plutôt rester moi dans un corps souple de belette, voilà ce qui me plairait beaucoup, mais est-ce possible ? Est-ce que je serais la première ou est-ce qu’il y a d’autres anciennes petites filles parmi les belettes ? Ou est-ce que toutes les belettes sont d’anciennes petites filles ? Car c’est vrai qu’on ne les voit plus, les anciennes petites filles.

Éric Chevillard, Ronce-Rose (éd. de Minuit, 2017).

Afficher/masquer le bavardage...
Une image cueillie en trainant à Avignon, dans une rue miraculeusement dénuée de salle de spectacle. Sans un bruit, ce graf m’a bien parlé. Mais comme je ne boude pas l’écho des mots, loin s’en faut, c’est l’occasion de placer cette petite page de cet étonnant petit roman de Chevillard, que je viens de lire et que mes amis des Indiscrets (nous revoici au théâtre) adapteront d’ailleurs à l’automne — Ronce-Rose ne devrait pas tout à fait ressembler à ça, mais sait-on jamais avec les anciennes petites filles…