S’il te plaît, raconte-moi une histoire drôle

S’il te plaît, raconte-moi une histoire drôle

Photo © Ernesto Timor - Bardo or not Bardo
Décembre 2021, ailleurs. Une ambiance de fada.

— Raconte-moi quelque chose, c’est si affreusement tranquille ici, le ruissellement dans la cheminée résonne comme de la poudre d’os dans les murailles, et le murmure de l’ampoule est vide et toxique, acéré comme une aiguille, s’il te plaît, raconte-moi quelque chose. Les crochets au plafond, les conduites d’eau hors d’usage dans les coins sourient et me font signe de leur attacher des cordes, ils sont forts, vieux, solides. S’il te plaît, raconte-moi une histoire drôle, dit chaton, en me regardant d’un air désespéré.
— Oui, ma chère enfant, mais je t’ai déjà tout raconté ! Qu’est-ce que tu voudrais encore entendre, toi, tes petits bras et tes petites jambes minces, tendres, blancs, ton petit nez brillant, au bout duquel pend une gouttelette que j’aimerais enlever en t’embrassant, et tes yeux mouillés. Ne pleure pas, c’est toujours calme quand on change d’année. Si nous restons très tranquilles, peut-être même pourrons-nous entendre comment l’année bascule dans l’autre, un gémissement ténu, une expiration comme celle d’un petit chat.

Le gros poète, Matthias Zschokke (éd Zoé, 2021).

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Matthias Zschokke est pour moi la plus belle révélation de ces derniers jours de 2021, pas juste le nom le plus difficile à retenir, à moins que ce soit à prononcer… Avec cette photo dont je n’abimerai pas non plus le mystère, nous voici en bonne compagnie pour dériver dans l’inconnu proche, et tant pis pour les feux d’artifice de nouveau interdits. Bon bout d’an !