— Raconte-moi quelque chose, c’est si affreusement tranquille ici, le ruissellement dans la cheminée résonne comme de la poudre d’os dans les murailles, et le murmure de l’ampoule est vide et toxique, acéré comme une aiguille, s’il te plaît, raconte-moi quelque chose. Les crochets au plafond, les conduites d’eau hors d’usage dans les coins sourient et me font signe de leur attacher des cordes, ils sont forts, vieux, solides. S’il te plaît, raconte-moi une histoire drôle, dit chaton, en me regardant d’un air désespéré.
— Oui, ma chère enfant, mais je t’ai déjà tout raconté ! Qu’est-ce que tu voudrais encore entendre, toi, tes petits bras et tes petites jambes minces, tendres, blancs, ton petit nez brillant, au bout duquel pend une gouttelette que j’aimerais enlever en t’embrassant, et tes yeux mouillés. Ne pleure pas, c’est toujours calme quand on change d’année. Si nous restons très tranquilles, peut-être même pourrons-nous entendre comment l’année bascule dans l’autre, un gémissement ténu, une expiration comme celle d’un petit chat.
Le gros poète, Matthias Zschokke (éd Zoé, 2021).