
shot: apr 05 | printed: today | the dead don’t stay where they are buried, paris
« Je ne sais combien de temps nous restâmes là, l’un en face de l’autre — peut-être les quinze ans entiers qui se sont écoulés depuis sa mort. […] Enfin elle se détourna, mordilla sa lèvre inférieure et se mit à marcher. En s’éloignant, elle répéta sans regarder deriière elle : Fais-nous cette courtoisie, John ! Elle passa sous la cascade de lumière versée par une première lanterne de pierre. Autour d’elle, l’eau reflétait des étincelles qui dansaient comme des bougies flottantes. Quand elle pénétra la lumière dorée, le rideau la cacha, et je ne la revis plus jusqu’à ce qu’elle émerge à nouveau de l’autre côté de la tourelle. Elle était plus petite à cause de la distance. Elle semblait marcher avec une aisance croissante ; plus elle rapetissait, plus elle devenait fringante. Elle disparut sous le rideau doré suivant et quand elle en ressortit je ne la distinguais plus qu’à peine. Je me penchai et laissai ma main flotter dans le courant qui coulait après elle. »
— John Berger, « Lisboa », D’ici là.
