
J’entendis cela, ces échos, me conseiller de terminer l’histoire, puisque j’en étais là. Je crois qu’ensuite, pour gagner du temps, je décrivis les pincements que provoquaient les braises ou le froid nocturne sur des surfaces de mon organisme. Je me souvenais de plusieurs noms techniques, je dis Le froid de la nuit me picotait les lunules, la luette, l’urètre spongieux, l’astragale, les caroncules lacrymales, les buccinateurs. En réalité, je ne ressentais rien. Dis plutôt encore des mots qui fassent du cri, puis termine l’anecdote, entendis-je. Oui, pensai-je, bien sûr, à quoi bon éviter de faire encore du cri, plutôt reprendre l’anecdote à un endroit quelconque de la déroute, là où je l’ai laissée avant l’intermède lyrique, et remuer encore un peu de sons, puis se taire.
(Antoine Volodine, Nuit blanche en Balkhyrie.)
