
La désaffection du public était une réalité, hélas, indéniable. Personne ne se présentait aux séances que les équipes de Gold organisaient. Dans les salles capitonnées, totalement noires, nul invité ne s’introduisait, quelque tonitruantes qu’eussent pu être auparavant les annonces que Grodzo avait martelées sur les tuyauteries, quelque incitatives. Nul spectateur ne faisait nombre. Le même phénomène s’observait quand une projection avait lieu en plein air, au milieu des ruines. Hormis une petite quantité erratique d’insanes, personne ne se mêlait aux chameaux faméliques et aux autruches polaires qui paissaient dans la nuit, par intervalles larguant un regard mouillé vers la toile blanche que le projectionniste, faute de matériel approprié et faute de clientèle, avait renoncé à maculer.
(Antoine Volodine, Nuit blanche en Balkhyrie.)
