
Dans une vision plus lumineuse il se dit qu’il garde peut-être en lui le vestige d’une mémoire inconnue, une nostalgie caressante et vaste comme un pays perdu, un pays facile et bienfaisant où baignait sa vie d’avant, le pays du oui probablement. De là en filant le souvenir, l’astuce serait d’y remonter, comme s’il était en exil dans ce monde qu’est le monde autour de nous, ce difficile présent, car perdre l’usage du non revient un peu à ça, à se sentir un peu décalé de la réalité, légèrement en porte-à-faux, c’est comme faire un voyage à quelques pas de soi-même, avec la sensation très nette, par moments, de ne plus rien pouvoir pour soi.
Mais n’allons pas trop vite dans l’exposé de l’inaptitude, comme le dit le proverbe malgache, ce n’est pas en tirant sur la feuille qu’on fait pousser la plante.
(Prologue de L’homme qui ne savait pas dire non, Serge Joncour.)
