
avec ces chimères dans l’esprit, je déambulais, en oubliant parfois que j’étais à la recherche de cet Autre qui m’envahissait tant ; j’étais enivré de découvertes et d’incompréhensions ; je me contentais d’aller aux senteurs, aux parfums, aux musiques du vent, dans une extase inquiète ; il m’arrivait de rebrousser chemin pour simplement sentir, toucher, regarder ou entendre, ébahi par cette île demeurée hors d’atteinte de ma hautaine gestion ; avec mes techniques, mes codes et mes lois, mes imageries et mes principes, je n’avais constitué pendant toutes ces années qu’une pellicule infime sur une épaisseur que je n’avais pas été capable de seulement deviner ; ou peut-être l’avais je trop devinée, ce qui m’avait incité à vivre dans une semblance remplie de décors d’opérette, et de croyances fumeuses dont le socle était vide ;
Patrick Chamoiseau, L’Empreinte à Crusoé.
