Travaux personnels, galeries d'art et d'essai

Voilà pour le printemps

Photo © Ernesto Timor
shot: mar 09 | printed: today | dreamland | paris

« L’eau coule ensuite entre les ruines… Ça serpente comme le sang quand on a arraché une tête… Des ruines… Oui, évidemment, des grandes ruines… Avec des arbres, comme il y avait autrefois dans la ville, paraît-il… De grandes ruines d’arbres… Et beaucoup d’affiches collées sur les pierres, l’écorce… Je regarde les affiches, longtemps, comme s’il y avait un texte interminable et différent de l’une à l’autre, je passe d’une affiche à l’autre, avec lenteur… Pourtant toutes ces feuilles sont semblables… Elles ne représentent qu’une seule chose, tu comprends ? Ta tête, seulement… tu comprends ?
— Comment cela, ma tête ?
— Eh bien, oui, ta tête à toi, Ilhel-dô. Pas moyen de confondre avec une autre. Sur toutes les ruines, sur tous les arbres immobiles, il y a des affiches avec ta tête. Et toutes ces têtes fixent un point très loin, un point mystérieux, qui se situe au-delà des choses du rêve, et même de la réalité, tu vois ?… Comme si là-bas tu apercevais les origines de toute ta souffrance… Et ton nom, en caractères noirs, épais : Ilhel-dô, Ilhel-dô, encore et encore… Il y a cette eau qui coule, cette forme qui se noie… et toutes ces têtes, partout, oui, sur les murs, sur les arbres, partout… Comme une assemblée de juges inquiets… Tu imagines ? »
J’avale ma salive. Oui, je m’imagine. »

Biographie comparée de Jorian Murgrave. Antoine Volodine, le cauchemar originel…